Maca : De la drogue saisie entre des boules d’attiéké

Article : Maca : De la drogue saisie entre des boules d’attiéké
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20 septembre 2023

Maca : De la drogue saisie entre des boules d’attiéké

Ce mardi 19 septembre, je me suis rendu à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan, (Maca), en vue d’offrir des livres à une lectrice qui m’a sollicité depuis la prison : « LCB, l’état de la bibliothèque de la Maca est piteux. Comme tu as des contacts, je voudrais que tu lances une collecte de livres afin qu’on puisse approvisionner ce conservatoire où les bouquins sont pratiquement inexistants. La lecture peut participer à la transformation constructive des détenus… »

Ayant trouvé l’idée de la détenue intéressante, j’ai été d’abord lui rendre visite, une dizaine de livres dans les bras, que je lui ai personnellement offert, en prélude à la quête de livres que je compte initier. Avant d’y revenir, j’aimerais vous parler de l’ambiance que j’ai vécue à l’entrée de la Maison de correction : les gardes s’adonnent à un contrôle strict des colis apportés par les visiteurs, et qui sont destinés aux prisonniers. On se doit impérativement de mettre nos provisions dans un sachet bleu. Des provisions passées au peigne fin par les contrôleurs, craignant, selon eux, un camouflage de drogue. Lorsqu’on a terminé avec la vérification de mon sachet, je me dirige vers le préau pour prendre un coup de fil. ( Les gardes disent que c’est interdit de manipuler le téléphone près du mur de la Maca où nous sommes.) De retour vers le lieu de contrôle des colis, je suis surpris de me voir sermonner par un garde :

-Mais attends, toi, tu as laissé ton sachet ici pour t’en éloigner ! ? me gronde-t-il.

-Oui. Ce serait problématique ?

-Mais oui ! Ici, nous sommes à la Maca. Quand tu t’éloignes de ton colis, quelqu’un peut y introduire de la drogue, à ton insu. Et lorsque tu vas arriver à l’intérieur de la prison pour le second contrôle, une fois que la drogue est vue dans ton sachet, qui crois-tu qu’on va accuser si ce n’est toi ?

-Wahou !

-Ah oui ! La Maca, c’est un autre monde, qui ne commence pas que depuis l’intérieur de la prison, mais dès l’entrée. Quand on apporte un colis, il ne faut jamais s’en éloigner. Même si tu bouges un peu, tu te dois de le faire avec ton bagage, par précaution !

Photo : LCB

-Vous arrive-t-il de saisir de la drogue dans les colis des visiteurs ?

-C’est régulier. Même hier, 18 septembre, nous avons débusqué du cannabis dissimulé entre des boules d’attiéké apportées par un vieil homme. Et puis ici, rien ne nous surprend. Les vieilles hommes, les vieilles femmes, qui ne devraient en principe faire l’objet d’aucun soupçon, sont très souvent pris en flagrant délit d’introduction de stupéfiants au sein de la Maca.

-Et que faites-vous des visiteurs dont les colis cachent de la drogue ?

-On les conduit directement au Commissariat, et après la procédure, ils se retrouvent à la Maca. De visiteurs, ils deviennent co-détenus des détenus à qui ils venaient rendre visite…

Après avoir passé les trois barrières de contrôle, je suis enfin avec ma lectrice de la prison civile, dans la salle de visite de la Maca. Outre les livres, je lui ai aussi apporté quelques vivres. Nous discutons, face à face, assis tous les deux sur des chaises bleues. La première question qu’elle me pose est la suivante :

-Alors, comment est actuellement le monde de dehors ?

Une interrogation qui montre combien la privation de liberté pourrait donner l’impression que les choses se font à l’extérieur d’une manière autre qu’on ne les a connues. Pourtant les gbakas* continuent leur cacophonie avec les mêmes apprentis impolis, les gnanbros*, constamment en altercation avec les chauffeurs ; les bus entassent les passagers comme des poulets, les femmes, éternelles demandeuses, ne cessent pas de demander de l’argent aux hommes. Ado est toujours au pouvoir quant les pro-Gbagbo font les grinceurs…

En prison, tout semble monotone. On est cloîtré dans une petite superficie à voir les mêmes choses, au quotidien. Ma lectrice corrobore cette idée que je me fais de la vie des détenus… Quand le temps qui nous est imparti arrive à son terme, un garde pénitentiaire, très acariâtre, nous enjoint de prendre congé l’un de l’autre. Ma camarade paie la location des deux chaises à un jeune homme en chasuble vert. Je m’en étonne, et elle me dit que tout est payant au sein de la prison. Je quitte son univers avec pour mission de rassembler un nombre de livres qu’elle voudrait offrir à la bibliothèque de la Maca d’ici le 17 octobre, persuadée qu’elle est que la lecture pourrait accompagner les détenus dans leurs phases de transformation…

Louis-César BANCÉ

banceglory@yahoo.fr

*Gbakas : minicars de transport en commun en Côte d’Ivoire

*Gnanbros, argot ivoirien : Chargés de chercher des passagers pour les gbakas

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