Côte d’Ivoire : Le Vrai match, trop de  dérapages, et personne n’en parle ?

Dans notre milieu audiovisuel en Côte d’Ivoire, une émission, nouveau-née de Life TV, fait jaser les internautes à travers ses contenus. Sur le plateau, trois candidats-mystères, cachés derrière un rideau, se soumettent à un exercice, celui de répondre aux questions du célibataire désireux de trouver l’amour. Un seul prétendant sera choisi à la fin par celui ou celle dont le cœur est à prendre avant qu’ils ne dévoilent chacun, par les panonceaux du « Match » ou « Pas match », leurs décisions définitives.

S’il faut reconnaître que l’émission, tenue par deux talentueux animateurs, a quelque chose de divertissant mais aussi de noble, par sa vocation de mettre probablement deux Âmes sœurs en liaison, il est indéniable qu’à certains contours, elle est un outrage à nos bonnes mœurs africaines. Sous prétexte qu’elle est diffusée à une heure d’adulte, on célèbre la vulgarité sur le plateau, dénudant les participants, violant même le corridor sacral de leur vie privée… Ces participants, à leur insu, sont utilisés comme « objets télévisuels » pour entretenir et faire grimper une audience. Comment peut-on poser des questions trop osées avec une légèreté à faire frémir un dépravé cacique ? : « Quelle est ta position préférée ? » ; « Ton un coup peut durer combien de temps ? » ;  »Raconte-nous un moment insolite pendant que tu le faisais… » ; « As-tu déjà été infidèle ? »

Et les marionnettes se déshabillent complètement : « J’aime quand on me prend en déboukéhi* et que ça se fasse sauvagement » ; « Mon un coup, ça dépend… » ; « J’ai fait l’amour avec mon ex sur la route de Yamoussoukro. Il m’a mise sur le capot de la voiture et dans nos mouvements, on a allumé accidentellement les phares et les gens nous ont vus. C’était honteux. » ; « Moi, c’est dans les toilettes d’un bar qu’un gars m’a mougou. C’était un coup d’un soir… » ; « Je faisais avec elle et tout d’un coup elle a lâché, pouh… » « Oui, j’ai déjà été infidèle. J’ai trompé mon ex parce que … »

Je m’interroge. Fait-on vraiment cette émission pour créer une véritable relation de couple ou la fait-on mesquinement pour tenir en érection son aiguille audimat ?  Lol. Quel homme sérieux, conscient et digne de ce nom, souhaiterait que sa future femme soit mise à nue en dévoilant publiquement ses coups bas, ses coups louches, ses quatre cents coups, ses coups loufoques avec ses quatre cents ex ?

Les réseaux sociaux, témoins du succès de l’émission

Sur les réseaux sociaux, les internautes qui applaudissent quand deux personnes, apparemment interactives, « matchent », eh bien, ces internautes seront les mêmes à devenir des détracteurs, à se moquer des mariés à travers leurs commentaires désobligeants : « Ehi ! C’est pas le couple du Vrai match de l’année passée ? Ils se sont mariés ? Fhum. Celui-là, il est courageux dèh ! Il a pris femme infidèle qu’on mougou dans toilettes de bar et sur capot de voiture garée sur l’autoroute. Toute façon elle a dit qu’elle a été infidèle, forcé elle le trompe… Elle n’a même pas un bon passé et puis il la prend… »

Il y a des pans de vie secrets, qui, dévoilés, nuisent indélébilement à la réputation.

Certains couples se forment sans même chercher à savoir les casseroles qu’ils traînent dans leur passé. Ça ne les intéresse pas. Leurs histoires commencent sur une page blanche dès le moment où ils y ont écrit leur première majuscule amoureuse. Et c’est sur une télé qu’on devra déverser les détritus des participants en prétendant que c’est ainsi qu’ils apprendraient à se connaitre pour faire leurs choix ? Il y a des questions plus constructives et moins grossières que celles que Le vrai match nous propose.

Vers une Afrique à découvert ?

Cette Afrique, avec tant de valeurs, est vraiment morte. Cette Afrique avec des hommes, et surtout des femmes, pleines d’innocence, d’éducation et de pudeur, que savaient encadrer nos aïeux. Ces femmes qui, au grand jamais, ne raconteraient à leurs parents des choses indisables, confidentielles, trop intimes, qu’elles vivaient sous les draps de leurs maris. Aujourd’hui, on met tout à découvert, « en dra, sans avoir dra »*. On se met à la télé pour expliquer devant la nation et devant nos parents gênés, comment on mougou et on nous mougou. Comment on trompe et on se fait tromper. Comment on lape et on se fait laper. Combien notre cargaison en relation comporte une multitude d’ex. Les probables futurs beaux-parents regardent, écoutent aussi. Lol. A-t-on besoin de fouiner publiquement dans les caleçons pour faire un branchement* ? Un bon branchement ? Marie-Paule n’en a pas eu recours pour abreuver sainement Konnie.🤧 N’oublions pas les retombées négatives que des questions-réponses obscènes pourraient avoir sur les couples qu’on s’est donné, à priori, pour vocation de former. Le vrai match, trop de dérapages et personne n’en parle ? Des recadrages s’imposent !

Louis-César BANCÉ

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Explications des mots issus de l’argot ivoirien

Match, Pas match : concept de l’émission pour exprimer l’adhésion ou la non-adhésion de la candidate à se mettre en couple avec le prétendant

Mougou : argot ivoirien. Partie de galipettes

Déboukéhi : levrette

En dra, sans avoir dra : à nue, sans avoir honte

Branchement : mise en contact de deux personnes dans l’intention de les mettre en couple