Le clochard de la gare
À la gare, j’aperçois un clochard adossé à un mur, vêtu qu’il est en haillon. Devant lui se tiennent une femme et trois enfants royalement habillés. La femme se fait un peu distante tandis que les gosses sont proches du SDF, lui font des câlins, lui donnent de la tendresse. Depuis que je fréquente les voies ferroviaires où pullulent les bakôrômans*, je n’ai jamais vu l’un d’entre eux être tant cajolé par des passants… Ces enfants sont extraordinaires ! Bientôt, à l’interpellation de la femme qui se tient à distance, ils la rejoignent, et tous, prennent la direction de la sortie de la gare…

Vous connaissez ma nature curieuse. Le clochard étant seul, je l’approche, et après lui avoir glissé un billet dans son gobelet, je lui demande de me traduire ses sentiments à l’égard de ces enfants qui viennent de se montrer si gentils avec lui. Tout en souriant avec ses dents jaunes, il me répond avec grasseyement :
– Ces enfants ? Mais ce sont mes enfants, biologiques ! Si ce n’étaient pas mes enfants, ils ne m’auraient pas approché de si près. En France, vous ne verrez jamais quelqu’un se familiariser à un clochard. La société nous voit comme la peste. À peine une personne nous tend une pièce qu’elle retire rapidement la main, pour ne pas avoir à être salie par notre odeur. Dis, je sens, moi ? C’est quoi ces méchancetés, cette marginalisation et ce système sociétal qui fabriquent des femmes-monstres et par ricochet des clochards ? Tu as vu la femme qui se tenait à distance des enfants, c’est mon ex-épouse. Les enfants ont dû insister pour venir voir leur papa que je suis. Si aujourd’hui je traîne dans la rue en tant que SDF, c’est la faute de ma femme. Nous vivions sous le même toit. Je lui ai tout donné, et elle, m’a tout volé, tout ôté… Elle a gardé la maison, les enfants tandis que le système m’a jeté, contraint à la rue. J’étais un fonctionnaire respecté, un travailleur de la société, et aujourd’hui, je ne suis qu’un clochard… Il y a un restaurant sur la terrasse, après les escaliers. Tu m’y invites ? On pourra mieux échanger…
– Pourquoi pas ? Let’s go.
LCB

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