L’histoire émouvante d’un chômeur en quête d’emploi

Article : L’histoire émouvante d’un chômeur en quête d’emploi
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17 septembre 2021

L’histoire émouvante d’un chômeur en quête d’emploi

  Bernard Zamblé est sorti de l’Université Félix Houphouët-Boigny, diplômé en communication. À la fac, il n’y a pas décroché que la peau d’âne, il a aussi trouvé l’amour, avec une étudiante en droit, Élodie Kouao. Après les études, place à l’ultime défi dans la société : il faut trouver un emploi…

  Plusieurs fois, on propose à Élodie un travail en échange de ses faveurs sensuelles. Comme dans bien de pays, le droit de cuissage est une gangrène en Côte d’Ivoire. Mais la jeune fille de 25 ans ne veut pas céder aux propositions indécentes. Elle s’accroche à son Bernard, avec qui elle vit en concubinage, dans une maison de fortune située dans un quartier précaire des 2 Plateaux. Ses parents tiennent le crachoir, lui conseillant de convoler avec d’autres choix masculins plus valeureux, au détriment du pauvre Bernard. Mais Élodie Kouao s’accroche à ce dernier, au nom de son amour pour lui et d’un idéal de réussite commune. Un jour qu’elle obtient un peu d’argent après avoir donné des conseils en droit à une entreprise privée, elle fait une proposition à son chéri.

« – Voici 150.000 francs, dit-elle. Prends-les, et va passer ton permis de conduire urgemment ! J’ai une amie plein aux as du côté de la Riviéra. Elle est elle-même au volant de sa voiture depuis des années, et n’a jamais voulu qu’on la conduise. Tu sais quoi ? Je lui ai parlé de notre condition. Exceptionnellement pour nous, elle est prête à t’embaucher comme son chauffeur. Il te faut donc rapidement le permis ! En attendant que tu aies un boulot à la hauteur de ton niveau, on pourrait souffler avec ça. Qu’est-ce que tu en penses ?

– Tu es un amour, bébé. »

Trois mois plus tard, le permis de conduire en poche, Bernard devient le chauffeur de madame Josy Irié, une chef d’entreprise prospère et proche de sa concubine. Nous l’avons appelée madame ? Pardon, elle fait tellement grande dame avec ses apparats qu’on oublie qu’avec son célibat, elle est plutôt mademoiselle. Et au bout de quelques jours seulement de collaboration, elle commence à faire des yeux de velours à son chauffeur, allant jusqu’à lui avouer son intention de l’avoir pour amant. Bernard est bel homme, vous savez. En plus, Élodie prend soin de lui, exigeant qu’il soit toujours bien tiré, bien parfumé, avant de rejoindre sa patronne. Cette dernière est bien consciente que le métier de chauffeur de particulier exige la propreté pour celui qui veut y faire long feu.

Tourmenté par les avances de Josy Irié, Bernard, qui nourrit des idées, décide de se confier à sa copine. Il lui raconte tout, et lui propose un plan :

« – Tu sais que jamais je ne t’abandonnerais pour une autre. Notre amour a commencé depuis la fac, et nous avons le devoir de le mener à bon port, jusqu’à la gare, comme le dit la chanteuse. Mais comme ça ne va pas chez nous, je pourrais sortir avec ma patronne, comme elle me le demande, et ensuite utiliser l’argent qu’elle me remettra, pour financer nos projets. Qu’est-ce que tu en penses mon amour ?
– Je pense que tu es idiot, tout simplement ! Ce sont ce genre de pensées saugrenues qui ont mis fin à des histoires d’amour pourtant belles. Crois-tu qu’on serait encore ensemble aujourd’hui si j’avais accepté les nombreuses propositions des hommes quant à m’avoir dans leurs lits avant de m’ouvrir certaines portes ? Écoute, cette Josy Irié veut tout simplement détruire ce que nous sommes en train de construire. C’est une femme dangereuse ! Tu ne sais pas combien je suis déçue d’elle ! Rien qu’à en parler, j’ai des céphalées. »

Le lendemain de cette discussion, Bernard est renvoyé pour faute professionnelle grave. Il est arrivé au boulot sans savoir que sa dulcinée a téléphoné à son opulente courtisane. Cette dernière, rageuse, l’a sermonné : « Quel type d’homme tu es, toi ? Demander l’autorisation à ta galeuse de petite amie avant de devoir toucher une reine comme moi ? Abruti ! Tu ne sais pas ce que tu perds. Ta vie aurait pu changer. On veut te sortir de la misère, de la boue, de la saleté, tu fais le malin. Élodie a été très désagréable avec moi au téléphone. J’entends encore ses mots blessants. Et tu oses t’emmener à ma porte sous-prétexte que tu veux me conduire ? Tu es licencié, sans préavis et sans dédommagement ! »

Quand Bernard retrouve sa doubéhi, demandant des explications, elle grommelle : « C’est bien fait pour toi ! Tu ne sais pas que je viens de sauver notre amour ? Attention chéri, si tu es autant traversé par des idées mesquines, je te préviens, tu finiras par me perdre. Nous devons être dignes dans l’épreuve. Tout vient à point à qui sait attendre. Prions notre Dieu, et continuons de persévérer. »

La galère

Bernard devient chauffeur de wôrôwôrô, exerçant pendant un trimestre et renvoyé pour novisme à cause des mécaniciens qui lui ont exigé des tarifs dispendieux lors de certaines réparations. Plus tard, il offre ses services de conducteur à moult sociétés ainsi qu’à des particuliers avec qui malheureusement il connait une trêve, finissant encore au chômage. Pendant des mois, c’est la galère à la maison. Élodie Kouao qui ne désespère pas est très sérieuse lorsqu’elle propose à son homme de s’émanciper :

« Mais qu’est-ce que tu attends pour aller chercher du boulot ? Ce n’est pas parce que ça n’a pas marché avec les uns que ça ne marchera pas avec les autres ! Fais ce que tu peux, joue aux bouffons si tu veux, mais lève-toi chaque jour pour faire bouger les lignes ! »

Voici maintenant Bernard Zamblé qui se rend tous les matins au pied d’un poteau de feu tricolore de Angré, brandissant une pancarte de demande d’emploi : « Chauffeur disponible. Tél : 010226… ». Pendant des jours, certains automobilistes se moquent de lui. Seule sa petite amie continue de l’encourager, de croire en lui. Un matin que le chômeur est découragé après une semaine infructueuse, un homme à bord d’une grosse voiture luxueuse le remarque au moment même où il s’immobilise au feu rouge. Il aurait fallu de peu pour qu’il passe au vert. Voyant la pancarte du chômeur, il gare bien sa voiture sur le trottoir et s’approche de lui et lui demande : «Chauffeur disponible ? Je suis intéressé.»

Bernard Zamblé lève la tête et regarde le monsieur en face de lui, tout de costume vêtu et d’un parfum exquis. Ce monsieur, Bernard Zamblé l’ignore, il s’appelle Malonbo Kitoko, puissant homme d’affaires du Congo, multimilliardaire. Il est venu en séjour d’affaires à Babi et a besoin d’un chauffeur pour ses courses. La société qui lui a loué un véhicule n’en avait pas de disponible.

La remontée


Pendant six jours, Bernard Zamblé est le chauffeur de monsieur Malonbo Kitoko. Le multimilliardaire trouve que son chauffeur est intelligent et de bonne compagnie. Il souhaiterait le garder, surtout quand il apprend que ce dernier est diplômé en communication. Il lui propose de s’installer avec lui au Congo, en lui garantissant qu’il y aurait tous les avantages et privilèges possible…

Bernard Zamblé et Élodie Kouao acceptent l’offre de leur sauveur et s’envolent avec lui pour le Congo, à bord de la compagnie aérienne Air LCB. Une fois à Kinshasa, l’ancien chômeur a la surprise de sa vie : au lieu de faire de lui son chauffeur, le multimilliardaire lui offre le poste de directeur de communication de sa multinationale…

« – Ne pleure pas, dit le congolais à Bernard alors que ce dernier est inondé de larmes. Durant ces quelques jours que j’ai eu à te fréquenter à Abidjan, j’ai pu mesurer tes aptitudes de grand communicateur. Je ne doute pas que tu réussiras ta mission.
– Merci beaucoup patron.
– Non, Bernard, dis merci à Dieu et au feu rouge d’Abidjan. Sans ce feu rouge, j’aurais passé mon chemin sans te remarquer. »

Voici comment la vie de Bernard Zamblé et de Élodie Kouao a changé. Aujourd’hui, ils vivent heureux au Congo dans une richesse insolente. Chaque fois que dans les rues de Kinshasa leur somptueuse voiture rencontre un feu rouge, ils lui disent merci les yeux brillants de mille feux.

Louis-César BANCÉ

(Une fiction de #LCB. Rien qu’à partir d’une image, je réinvente le monde)

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